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Les lanceurs d’alerte suffisamment protégés contre la diffamation ?

Point sur la protection du lanceur d’alerte depuis la loi du 16 avril 2013 (lois de 2016 et 2018)

par Clara Massis de Solere – Interview Dalloz actualités

Interview de Clara Massis de Solere pour Dalloz Actualités en date du 24 avril 2013 sur « Les lanceurs d’alerte suffisamment protégés contre la diffamation » (article de Anne Portmann).

La loi sur la protection des lanceurs d’alerte du 16 avril 2013, qui instaure un statut protecteur pour le lanceur d’alerte empêchant toute mesure discriminatoire à son égard, ne contient pas des dispositions protectrices, en cas de poursuites pour diffamation prévues dans le texte d’origine.

L’arsenal déjà existant dans la loi de 1881 est-il suffisant pour protéger la liberté d’expression du lanceur d’alerte ?

Un arsenal légal suffisant

Clara Massis (…) connaît bien le problème des poursuites en diffamation contre les lanceurs d’alertes. Elle considère que les dispositions précitées de l’article 18 de la proposition de loi n’apportaient aucune valeur ajoutée aux dispositions de la loi de 1881.

« La possibilité de se défendre en prouvant la vérité du fait diffamatoire ou la bonne foi existe déjà dans la loi de 1881 et dans les deux cas, ces notions sont appréciées très librement par la jurisprudence. Le lanceur d’alerte est très protégé par la loi de 1881, qui ne prévoit que peu d’exceptions, estime-t-elle, surtout depuis que le Conseil Constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution une disposition qui ne permettait pas de faire référence à des travaux scientifiques vieux de plus de dix ans. Or, c’est souvent le cas en la matière. »

La loi SAPIN 2 et la loi sur le secret des affaires

Point sur la protection du lanceur d’alerte depuis la loi du 16 avril 2013

Depuis cette loi novatrice du 16 avril 2013 instaurant un régime protecteur du lanceur d’alerte, la question a continué de susciter les débats : la protection du lanceur d’alerte a été renforcée, puis de nouveau nuancée.

Ainsi, dans un contexte de forts soupçons et de scandales, la loi dite « SAPIN 2 » du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption, et à la modernisation de la vie économique est venue renforcer le statut du lanceur d’alerte et de sa liberté d’expression, afin de favoriser ses révélations tout en veillant à préserver les droits des tiers.

Le lanceur d’alerte est défini par l’article 6 de la loi comme : « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».

L’article 7 de la loi accorde au lanceur d’alerte répondant à cette définition une irresponsabilité pénale pour la divulgation des secrets lorsque : « cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause »

Cependant, cette protection n’est pas absolue : sont exclus du régime de l’alerte susceptible de bénéficier de la protection légale, les éléments « couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client », ce qui est peut être là où le lanceur d’alerte a justement besoin d’être protégé.

L’avancée est néanmoins considérable, ce qui a suscité une forte réaction des milieux économiques et des entreprises exposées à la mondialisation et à la brutalité de la concurrence.

C’est ainsi que la loi du 30 juillet 2018 « relative à la protection du secret des affaires », transposant une directive européenne du 8 juin 2016, a introduit dans le code de commerce, à travers plus d’une vingtaine d’articles, le principe de la protection du secret des affaires, tout en prévoyant des exceptions, notamment en faveur de la liberté d’expression et du droit d’alerte.

Ainsi, l’article L 151-8 du Code de commerce dispose que :

 « A l’occasion d’une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue : 1° Pour exercer le droit à la liberté d’expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse, et à la liberté d’information telle que proclamée dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; 2° Pour révéler, dans le but de protéger l’intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible, y compris lors de l’exercice du droit d’alerte défini à l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ; (…) » 

Avec cette loi, le secret des affaires est devenu le principe et la liberté d’expression l’exception.

La charge de la preuve pèse donc désormais sur le lanceur d’alerte, qui devra apporter la preuve de son droit d’alerte.

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